Violée par son entraîneur quand elle était adolescente, l'ex-espoir du tennis Angélique Cauchy raconte deux années d'emprise dans son livre choc.
Angélique Cauchy a subi des viols, des humiliations et des violences psychologiques de la part de son entraîneur de tennis, Andrew Geddes. Après avoir porté plainte en 2014, la jeune femme de 37 ans témoigne dans un livre cru mais nécessaire : "Si un jour quelqu'un te fait du mal".
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Plus de 300 pages pour décrire l'indicible. Celle qui, petite, rêvait de devenir écrivaine a couché noir sur blanc son histoire. "C'est l'histoire de ma vie. C'est l'histoire, dans une première partie, d'une petite fille de 12 ans qui fait du tennis, qui change de club et qui rencontre un nouvel entraîneur. Cet entraîneur va s'avérer être mon agresseur. La deuxième partie, c'est l'histoire d'Angélique adulte qui va se rendre compte que c'est le moment de parler pour elle, mais surtout pour les autres victimes et plus largement encore pour la société", affirme-t-elle avec détermination.
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"Je deviens sa marionnette, son esclave sexuelle"
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Pendant deux ans, Angélique Cauchy se retrouve sous le joug d'Andrew Geddes, condamné à 18 ans de prison en 2021. Une relation d'emprise que décrit cette jeune femme et désormais maman d'un petit garçon : "Cette emprise, elle va jusqu'à être son mini-lui. Je deviens sa marionnette, je deviens son esclave sexuelle, c'est-à-dire que je m'habille comme lui, je mange comme lui, je parle comme lui. Et finalement, tous ses désirs, je dois les assouvir à n'importe quel endroit, à n'importe quel moment, que ce soit lui laver sa vaisselle dégoûtante dans une salle de bains, que ce soit lui gratter les pieds, que ce soit lui faire une fellation, c'est exactement la même chose. C'est juste que je suis sa chose", énumère-t-elle froidement.
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Deux années de cauchemar qui prennent fin à ses 14 ans lorsqu'Angélique a "un accès de violence" envers sa sœur : "Pour moi, c'est la limite, c'est celle que j'aime le plus au monde et je ne peux pas avoir de la violence envers elle et je ne peux pas devenir cette personne-là. Et la deuxième raison, c'est que j'ai un téléphone [Nokia] 3310 bleu ciel pour mes 14 ans et que je me jure de ne jamais répondre à son numéro de téléphone avec ce nouveau téléphone. C'est ce qui m'a permis de me détacher de lui", se remémore-t-elle limpidement.
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Une déprise progressive qui, en 2014, va prendre tout son sens. Alors professeure d'EPS, Angélique Cauchy reçoit un appel d'Astrid, qui lui annonce qu'elle va porter plainte contre son ex-entraîneur, quatre jours avant la fin de la prescription. "Je suis professeur d'EPS, j'ai 27 ans et tous les jours je vois des enfants de 12 ans devant moi et je me dis : 'quel genre de prof je vais être, quel genre d'adulte je vais être si je ne suis pas capable de dire ce qui m'est arrivé pour que ça n'arrive plus." Trois mois plus tard, Angélique dépose à son tour plainte contre Andrew Geddes. Au total, elles sont quatre à se retrouver conjointement sur le banc des victimes.
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"Ce procès, c'est le sommet de ma culpabilité"
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En janvier 2020, le verdict tombe : la cour d'assises des Yvelines condamne Andrew Geddes à 18 ans de réclusion criminelle pour le viol de plusieurs de ses anciennes élèves, toutes mineures à l'époque des faits. Une décision pour laquelle l'entraîneur des quatre jeunes femmes fait appel. Un an plus tard, Angélique et ses co-victimes se préparent à un nouveau procès que la jeune femme aborde comme un véritable match. "Depuis le moment où on sait que ça va être renvoyé en cour d'assises, je me suis préparée comme si on se préparait à une finale de Roland-Garros. Tant psychologiquement que physiquement, je voulais être prête à pouvoir l'affronter, à ne pas avoir peur, à me sentir forte. Et malgré toute ma préparation, on n'est jamais à la hauteur d'un événement pareil."
À l'issue de ce nouveau procès, Andrew Geddes écope à nouveau de 18 ans de prison. "Il n'a pas seulement 18 ans de prison. Il a aussi une interdiction à vie d'être en contact avec des mineurs, cinq ans de suivi socio-judiciaire, parce que l'objectif de la prison, c'est quand même de réinsérer ensuite les citoyens dans la société", précise-t-elle.
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Un parcours de justice "exemplaire, bien qu'il ait été long et très difficile", juge Angélique, qui affirme avoir voulu écrire ce livre "pour donner confiance en la justice", mais aussi pour "changer le regard de la société sur la justice et dire qu'il faut déposer plainte pour faire changer les statistiques". En France, selon le ministère de la Justice, parmi les auteurs de violences sexuelles majeurs, un tiers est condamné à une peine d’emprisonnement ferme ou de réclusion.
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Réparer et se reconstruire
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Ce livre témoignage résonne comme une thérapie pour cette ex-espoir du tennis, pour se reconstruire mais aussi réparer sa relation avec ses proches. Une relation rongée par le poids du secret et de la culpabilité : "Ce livre, je l'ai écrit pour qu'il répare et qu'il reconstruise égoïstement, notamment la relation avec ma sœur que j'ai perdue parce que quand j'ai été sous cette emprise, je me suis beaucoup éloignée d'elle."
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Pour l'ex-tenniswoman, la réparation passe aussi par la libération de la parole et l'entraide : "J'ai écrit ce livre pour tous les enfants que nous étions hier, pour tous les enfants d'aujourd'hui, pour qu'ils sachent que si un jour quelqu'un leur fait du mal, nous, les adultes, nous les écouterons, nous les croirons et nous les protégerons."
Avec son association Rebond, créée en 2017, Angélique consacre désormais tout son temps à la protection des enfants : "J'ai été mise à disposition par l’Éducation nationale pour être uniquement sur ce sujet des droits des enfants et de la protection. Je fais partie de certaines commissions interministérielles pour faire en sorte que la société progresse et que des choses soient mises en place à la fois pour protéger, mais aussi pour aider les victimes."
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Au moment d'évoquer l'avenir, Angélique Cauchy concède avec le sourire qu'elle a "envie d'améliorer le monde" et souhaite malgré tout "tirer quelque chose de positif de cette expérience singulière". Celle qui a aujourd'hui trouvé un équilibre n'a "pas réussi à pardonner [à son agresseur], mais à être indifférente". "Pendant vingt ans, j'ai souhaité sa mort et aujourd'hui, non. Je ne souhaite plus la mort. Je souhaite juste qu'il ne fasse plus de mal", conclut-elle.